Article du Journal
de Montréal, 20 mars 2014 par Renée Laurin
Le charcutier de La Queue de cochon et son boudin
« Je paie le taxi en boudin et je vous reviens
», lance le sympathique charcutier de La Queue de cochon à
Montréal, Benoît Tétard.
Depuis louverture de son commerce au début des années
1990, ce Français originaire de la Vendée peut se
vanter davoir réussi à rehausser limage
de lhorrible boudin de notre enfance pour en faire un véritable
mets de gastronomie.
Cest que son boudin est drôlement bon. Le meilleur à
Montréal, de lavis de plusieurs amateurs. Moins sec
et certainement plus savoureux que celui servi par nos mères
pour rehausser nos réserves de fer tout en économisant
sur le budget familial.
«Les Québécois ont dabord connu le boudin
industriel fabriqué mécaniquement avec du sang de
buf, explique le charcutier. Le mien est préparé
à la main, avec du sang de porc et des boyaux naturels, plus
faciles à mastiquer.»
Il se contente dajouter un peu de sel et poivre et des oignons
hachés, cuits à lavance, puis refroidis dans
le frigo pendant deux jours.
Ses clients réguliers nhésitent pas à
faire la queue tous les mardis pour faire leurs provisions de son
boudin frais, préparé à la main le matin même,
dans le respect des méthodes traditionnelles de son pays
où il a appris tous les secrets du métier.
«Jai des clients qui déjeunent avec ça»,
raconte le charcutier.
Il sétonne aussi de voir le succès quil
connaît auprès de plusieurs grands restaurateurs de
Québec. «Je vends plus dans les restos de Québec
quà Montréal», note-t-il.
Histoire de couple
Lorsquil a ouvert sa première charcuterie de la rue
Laurier, avec son épouse Renée Godbout, ils venaient
tous les deux de perdre leur emploi:?elle dans une banque et lui
comme cuisinier dans un restaurant. En jumelant leurs talents et
leur passion, ils ne pouvaient que réussir.
«Pour moi, cétait enfin loccasion de réaliser
mon rêve après des années de tâtonnement
dans le milieu de la restauration», dit Benoît.
Il a été le premier à fabriquer du boudin artisanal
à Montréal. «Cest avec ce produit quon
a réussi à se distinguer», explique-t-il.
Ce qui lembête un peu ces jours-ci, cest la rareté
grandissante du sang de porc sur le marché. Les règles
régissant les abattoirs ont récemment été
resserrées et jeter le sang des bêtes au lieu de le
recycler, finit par coûter beaucoup moins cher aux propriétaires.
«Bientôt, déplore Benoît, un litre de vin
coûtera moins cher quun litre de sang.»
Mais quimporte. Si jamais il venait à manquer de boudin
un jour, il lui resterait encore beaucoup datouts dans son
jeu pour séduire sa clientèle, dont ses saucisses
de porc, élevé naturellement chez
F. Ménard, sans gluten, hormones ni agents de conservation,
son foie gras, ses terrines, confits, rillettes et tous ses délicieux
plats maison à emporter préparés par leur fidèle
cuisinier, P. Bonard.
Article de La Presse, 11 août 1994
Si vous vous demandez comment sont fabriquées les saucisses
artisanales, La Queue de cochon, qui a ouvert ses portes l'an dernier,
offre la chance aux curieux de voir, derrière une vitrine,
le charcutier (un autre français, Benoît Tétard)
à l'oeuvre dans sa cuisine, le matin. C'est d'autant plus
surprenant que ç'a l'air facile. Des kilomètres de
saucisses s'échappent du poussoir à main et s'enroulent
sur la table comme un serpent de viande, avant d'être tordus
et coupés en petits bouts par le maestro. Tout est fait à
la main, comme dans le bon vieux temps, à partir d'aliments
frais et de boyaux naturels, sans agents de conservation. Pour assister
à la naissance du boudin aux pommes, c'est le jeudi matin
qu'il faut s'y rendre.
Vidéo reportage de l'Épicerie à Radio-Canada,
décembre 2012
C'est l'été, les méchants sont en vacances
et la police s'ennuie. Pour tuer le temps, on donne des contraventions
farfelues dans le square Saint-Louis, on fait des descentes dans
les bars de la rue Saint-Denis et, dernières trouvailles
de ces messieurs, on fait un petit tour dans les charcuteries du
boulevard Saint-Laurent.
En effet, des inspecteurs zélés de la CUM, attirés
par l'odeur du sang séché, ont cru faire leur devoir
en « recommandant » aux bouchers de ranger
les saucisses et saucissons au frais, à l'abri des bactéries.
Saucissons qui étaient jusqu'alors suspendus à des
crochets, selon une tradition européenne qui remonte à
la nuit des temps et qui constituait une attraction touristique
de Montréal.
Il; n'est peut-être pas encore trop tard pour admirer ces
belles guirlandes de viandes., derniers vestiges de la vielle Europe
à Montréal, puisque certains charcutiers résistaient
encore la semaine dernière. Selon les rebelles de la saucisse,
aucun cas d'intoxication alimentaire n'avait été déclaré
chez eux, même s'ils sont installés sur la Main depuis
plus de trente ans. Pourquoi s'énerver maintenant? Serait-ce
parce que la saucisse connaît une vague de popularité
sans précédent au Québec?
Il n'y a pas si longtemps, les Québécois n'étaient
pas très connaisseurs en matière de charcuterie; ils
se contentaient de consommer des saucisses Hygrade ou La Belle Fermière.
Comment sommes-nous passés de la vulgaire saucisse à
hot-dog aux knackwurst, chipolata, maraska et même à
la saucisse aux bleuets? On pourrait même, à partir
de la saucisse, raconter l'histoire de Montréal.
La Presse, 24 décembre 1993
La Queue de cochon est une charcuterie artisanale où tout
est préparé naturellement, sur place. Le « laboratoire »
est en arrière, la boutique est en avant. Elle est petite,
simple et fraîche, sans aucune recherche de décor.
Les comptoirs réfrigérés, bien garnis, et le
sourire de la patronne ont tout ce qu'il faut pour convaincre. On
trouve là, boudin noir et boudin blanc, saucisson à
l'ail, saucisses sages ou extravagantes, terrines et pâtés
à profusion, rillettes fines et rillettes paysannes. Le charcutier
est en arrière, et rien ne semble lui être impossible.
Mention et comparaison de Pierre Foglia dans La Presse, 29 octobre
2013
Chansons
Le gala de l'ADISQ célèbre la chanson francophone,
faut bien que quelqu'un le fasse. Dimanche soir, le héros
de la soirée, Louis-Jean Cormier, a dit qu'il ne fallait
pas écouter de la musique francophone par compassion. Il
n'a vraiment pas à s'inquiéter, je trouve, c'est rare
que les gens écoutent de la musique par compassion comme
d'autres, par exemple, se forcent à boire du vin par compassion,
un peu plus cher et un peu moins bon, mais c'est du vin québécois.
Ou du fromage québécois.
La chanson, ça marche pas comme le fromage. Ça marche
plutôt comme la saucisse: plus de monde en mange parce que...
plus de monde en mange. Et en parle. Et cela ne s'applique pas seulement
aux chansons nulles qu'on entend dans les radios publiques.
Cela s'applique aussi à Lou Doillon, par exemple.
Il est quand même amusant de relever que pendant qu'on faisait
l'éloge de la chanson francophone «de qualité»
(sic), la fille qui tourne le plus au Québec en ce moment
et précisément chez les gens qui trippent chanson
de «qualité» (resic), la fille qu'on entend le
plus sur le Plateau ces jours-ci est une francophone qui chante
en anglais, Lou Doillon. La fille de Jane Birkin, la demi-soeur
de Charlotte.
Comme j'aime bien Jane et Charlotte, je me suis dit: pourquoi pas
deux sans trois. Et voilà mon vieux, maintenant, j'aime bien
Lou aussi, comme tout le monde pour ICU (la première toune
du CD) et pour le texte de Places, mais bon, n'exagérons
rien, je ne capote pas tant que ça non plus. Disons
que c'est de la saucisse de la Queue de cochon plutôt que
de la Hygrade. On est loin quand même des textes
de Camille ou de Vincent Delerm. De Patti Smith ou de Laurie Anderson
avant qu'elle ne devienne folle. Anyway.
Revenons à ma question: pourquoi Lou Doillon en anglais et
pas (ou presque pas) les soeurs Boulay?
Posons la question autrement. Pourquoi un vieux monsieur comme moi
qui n'est plus du tout dans le buzz, s'il ne l'a jamais été,
pourquoi le croulant que je suis a cependant acheté le CD
de Lou Doillon mais pas celui des soeurs Boulay?
Parce que je pensais que c'était les petites filles d'Isabelle.
Ben non, c'est une blague. La réalité est moins comique:
parce que je n'avais jamais entendu parler des soeurs Boulay avant
ce matin.
C'est sûr que j'ai pas, comme vous, toujours le nez dans mon
iPad. J'y vais juste pour les résultats de la NFL, de la
NBA et de la NHL. N'empêche, j'avais entendu assez de Lou
Doillon pour aller l'acheter.
Des soeurs machin, rien. Pas une fois à la radio. Je l'achèterais
bien par compassion, mais Louis-Jean Cormier dit qu'y faut pas.
LOU REED - Ma bible du rock consacre six pages à Lou Reed,
qui vient de mourir: esthète et dandy, il a incarné
un concentré des pires cauchemars américains, drogues,
provocations extrêmes, scandales, décadence, pulsions
suicidaires qu'illustrent ses grands succès, notamment Walk
On The Wild Side et Heroin.
Même quand ils sont très bien faits comme celui-ci,
il arrive aux dictionnaires de passer à côté
du mot qu'il fallait dire en tout premier lieu: poète. Si
la poésie nous apprend à respirer autrement, à
dire autrement, à vivre autrement, à mourir autrement,
alors Lou Reed est d'abord un poète.
Lou Reed avait mon âge, mais pas vraiment. C'est curieux,
l'âge. On croit qu'il avance une année à la
fois. Pas toujours. Moi, par exemple, j'ai eu 20 ans à 40.
À 25, quand Lou Reed a fondé le Velvet Underground,
j'avais autour de 88 ans, j'écoutais Yves Montand, Guy Béart,
les Frères Jacques, Brassens, bref j'étais un petit
mononcle un peu moribond. Et j'étais bien parti pour passer
à côté de toute la culture rock. S'il n'en avait
tenu qu'aux Beatles qui me tombaient formidablement sur les rognons,
je serais passé à côté de Patti Smith,
à côté de William Burroughs, et même de
Genet, de Rimbaud, eh oui je suis venu (OK, revenu) à Rimbaud
par Patti Smith qui, elle-même, n'eût pas existé
sans le Velvet de Lou Reed.
Tout ça pour dire qu'une chanson - mettons Walk On The Wild
Side - peut vous renvoyer au temps où vous l'écoutiez;
la poésie, elle, peut vous renvoyer à un âge
que vous n'auriez jamais eu sans elle.
LUXEMBOURG - Il est rare, contrairement à vous, que la moutarde
me monte au nez en lisant mon journal, mais là, j'étais
furieux. Vous savez sans doute l'affection que je porte au Luxembourg.
J'y passe mes vacances chaque année. J'y chassais la sarcelle
il n'y a pas 15 jours, bref je suis LE spécialiste du Luxembourg,
j'ai proposé plein de reportages à mon journal sur
le Luxembourg: tous refusés. Rien à foutre du Luxembourg.
L'autre jour, comme tous les jours, j'ouvre le cahier Affaires de
mon journal pour aller y faire le Sudoku en page 4, et sur quoi
je tombe? Une pleine page sur le Luxembourg. Le titre: Le Luxembourg
doit se réinventer.
Se réinventer! N'importe quoi. Voulez-vous que je dresse
ici la liste de tout ce que le Luxembourg a déjà inventé?
La brouette, la petite cuillère, le peigne, le ballon, la
chaise, je continue? Et maintenant, il aurait à se réinventer
lui-même?
Est-ce parce que le Luxembourg est catholique à 95% qu'on
se permet de l'insulter? Je pose la question, c'est tout, je n'ai
pas parlé de la Charte ni rien.
EXCUSES - Je me suis souvenu tout d'un coup que j'avais une boîte
vocale à La Presse. Il faut que je vous dise un truc: je
ne relève pas mes messages souvent. Je lis tous mes courriels,
mais j'oublie cette fichue boîte vocale pendant des mois et
des mois. Je l'ai vidée ce matin.
Premier message, celui de cette dame: Bonjour, monsieur, nous sommes
le 9 mai, je viens de lire votre chronique sur les gais...
Ciel! Le 9 mai! De quelle année, madame? Mes excuses.
Tout particulièrement à M. Blackburn, de Chicoutimi,
un collègue du journal Le Quotidien, à Jean Éon,
à madame Monique Coupal, et à tant d'autres. Désolé.
Je vous dirais bien que je ne recommencerai pas, mais rien n'est
moins sûr.